Auteur, dramaturge, metteur en scène, acteur, prix Nobel de la littérature en 1997, Dario Fo s’en est allé à 90 ans rejoindre sa compagne Franca Rame, partie trois ans plus tôt. Autant d’années qui n’ont jamais usé l’engagement de cet enfant des planches et qui laissent derrière elles une œuvre consciente, rieuse et politique.
C’est un au revoir précieux pour les gens du théâtre. Dario Fo s’est éteint jeudi 13 octobre 2016 à Milan, mais son œuvre, jouée dans le monde entier, est le cadeau qu’il laisse à la vie, à l’art, celui vécu comme un engagement en soi. Sans avoir jamais cessé de rire, il n’a jamais cessé non plus de dire, l’injustice sociale, les usines en grève, le fascisme, l’amour libre, le capitalisme, de braver la censure des religions et de l’état et de faire la lumière sur les grands rôles qu’ont, dans la vraie vie, les petites gens.
Sa « capacité profonde et sincère à vivre et à s’indigner », il l’a transmise toute sa vie à son écriture, fidèle plume chatouilleuse qui a su faire passer nombre de noms d’oiseaux dans ses envols sans avoir besoin d’en écrire un seul. Ridée de sourires, la caricature grotesque en guise de vaseline, ses visions engagés se sont vus ouvrir les portes des plus beaux théâtres, amenant avec eux une dimension sociale sortie tout droit d’un monde prolétaire subi. Inspiré des dramaturges Molière et Angelo Beolco, de la commedia dell’arte, du théâtre médiéval ou encore de Maïakovski ou de Brecht, Dario Fo, lui, est ce bouffon de gauche (mais pas « bouffon des bourgeois ») ce punk intellectuel, deux rôles et un message dont il a maitrisé brillement les masques pour contourner la censure, souvent à sa porte.
Né en Italie en 1926, Dario Fo a pris très vite le chemin du théâtre dont il a usé jusqu’à la fin de sa vie comme d’une arme sociale. Dès les années 50, il a animé quelques chroniques décapantes à la radio et joué dans des cabarets. C’est là qu’il a rencontré sa compagne Franca Rame, une comédienne issue du théâtre itinérant avec qui il créa une compagnie ambulante en 1958. Sa personnalité a pris du relief et ses textes subversifs, jouant de l’absurde et de l’improvisation, racontent les laissés pour compte, pointent du doigt les puissants, se permettent de dialoguer avec le public, chose alors improbable sur une scène de théâtre.
De nombreux conflits avec la morale du clergé ou le fascisme italien lui ont couté bien des déboires personnels, jusqu’à l’agression de sa femme, Franca Rame (torturée et violée) par un groupe d’extrême droite dans les années 70. Interdit de séjour aux Etats-Unis, porteur d’une parole grinçante et sans compromis sur l’histoire de Christophe Colomb ou sur les évènements du 11 septembre, en froid avec le Vatican, Dario Fo a vu ses pièces s’afficher envers et contre tout dans le répertoire de la Comédie Française.
Son succès en tant que metteur en scène, demandé ici et là, et de nombreuses récompenses auraient pu habiller chaudement ses pensées comme une bonne paire de pantoufle mais il n’en n’a rien été. Dario Fo est resté indocile. Dans les années 2000, il a amené le théâtre à l’usine, dans des hangars et autres lieux subversifs. On retient ici les textes « Mort accidentelle d’un anarchiste », « Les archanges ne jouent pas au flipper’ », Mystère bouffe » et surtout « Faut pas payer ! », satire sociale ou conte acide sur le monde de la consommation, reprise chaque année quelque part dans le monde. Le mot de la fin, c’est celui de Dario Fo, histoire de nous faire réfléchir encore, à écouter dans ce court teaser signé de la Comédie de Genève.
Ciao et merci l’artiste.
https://www.youtube.com/watch?v=gx9nC39JsJI
Kattalin Dalat
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